Hommage à Frantz FANON

Le 30 janvier 2015, LABA asbl organisait une conférence autour de la personnalité de Frantz Fanon, de sa pensée et de ses combats anticolonialistes pour la solidarité des peuples et de la liberté, thématiques en perpétuelle questionnement. Une discussion est apparue sur le respect et la dignité, le racisme anti-noir et la question importante autour de la mémoire. Une satisfaction aussi, celle d’avoir eu les félicitations de la salle, une première me dit-on pour cette rencontre intercommunautaire, rencontre ici algéro-africaine et une bonne collaboration avec le Collectif Mémoire coloniale et lutte contre les discriminations (CMCLD).

Nous remercions la centaine de participants présente à la conférence-débat consacrée à l’hommage à Frantz FANON, ce fut un réel plaisir. Nous remercions également la Ville de Bruxelles et particulièrement Faouzia Hariche, Echevine pour l’accueil et l’intérêt qu’elle a porté à cette rencontre et l’Ambassade d’Algérie sans qui nous n’aurions pas pu avoir les coordonnées de Monsieur Fanon.
Après les différents exposés ci-dessous, nous avons laissé place au débat. Il en ressort une grande satisfaction de la par du public d’avoir eu l’occasion de participer à une telle conférence autour de la personnalité de Fanon, de sa pensée et de ses combats qui sont ceux de la solidarité des peuples et de la liberté, thématiques en perpétuelle questionnement. Hommage à Frantz FANON, tout un programme, toute une pensée.

L’association Les Amitiés belgo-algériennes – LABA Asbl fait sa rentrée et renouvelle avec son cycle de conférences consacrées au devoir de mémoire.

Nous avons le plaisir de nous associer pour cet événement unique et exceptionnel avec le Collectif Mémoire colonial et Lutte contre les Discriminations et l’asbl Dimanche Ensemble.
2014-2015 est l’année de grands bouleversements mais également année de commémorations.

Le 60è anniversaire du déclenchement de la guerre de Libération algérienne est l’occasion pour nous de mettre en lumière un grand humaniste qu’était Frantz FANON. Mal aimé de la littérature francophone, longtemps occulté en France et totalement sombré dans l’oubli, son œuvre sera redécouverte et abondamment commenté outre-Atlantique. La pensée et l’action émancipatrice de ce théoricien de la décolonisation et de l’égalité entre les peuples a été quasiment inexistant des débat ayant trait à la décolonisation. Sa critique sévère du colonialisme fut très mal perçu dans un pays qui a encore du mal à aborder son passé colonial.
Psychiatre et essayiste français martiniquais, figure emblématique du tiers-mondisme, il est l’auteur en 1952 de « Peau noire, masque blanc », livre controversé qui dénonce le racisme et les discriminations en tant que noir dans la société française. Il s’engage dès le début de la guerre d’Algérie, en 1955 aux côtés des algériens, il y a 60 ans.
En 1953, il est nommé médecin-chef d’une division à l’hôpital de Blida et c’est sur le terrain de la psychiatrie qu’il combat les thèses aliénantes du colonialisme. Il découvre la dure réalité de la colonisation qu’il relatera de manière subversive dans ses différents ouvrages « L’an V de la révolution algérienne » et son œuvre majeure « Les Damnés de la terre », préfacé par Jean-Paul Sarte, qu’il écrit à Washington, alors qu’il se sait atteint d’une leucémie, il décède à 36 ans, le 6 décembre 1961, quelques mois après la parution de son livre. Cet « Algérien d’adoption » aurait eu 90 ans cette année.

L’actualité d’aujourd’hui rappelle que les « damnés de la terre » sont encore là, ils sont dans les mouvements de grèves, dans les « Printemps Arabes », que nous qualifions de Révoltes arabes, dans un monde d’inégalités où le fossé se creuse entre riches et pauvres, entre nantis et démunis, entre dominants et dominés, dans les combats contre le fascisme et les extrémismes de tout bord, dans les combats contre la monté des nationalismes et le racisme, dans les combats pour la liberté et le vivre ensemble.

L’œuvre de Fanon suffit à expliquer le malentendu qui persiste encore aujourd’hui et enseigne une vigilance et une exigence ; elle met en état d’alerte face aux discours et aux appareils de domination.
« Si les sociétés ont évolué, la voix du penseur, qui s’est éteinte il y a un demi siècle, résonne toujours étonnamment aux cœurs des problématiques politiques et nationales actuelles » (France Culture).
Citations :« Chaque fois qu’un homme a fait triompher la dignité de l’esprit, chaque fois qu’un homme a dit non à une tentative d’asservissement de son semblable, je me sens solidaire de son acte » Extrait de Peau noire, masques blancs. “Le peuple européen qui torture est un peuple déchu, traitre à son histoire le peuple sous-développé qui torture, assure sa nature, faire son travail de sous-développé”. Extrait de L’An V de la révolution algérienne.

Sociologie d’une révolution

Publié pour la première fois en 1959 et sans cesse réédité depuis, ce « classique de la décolonisation » reste d’une profonde actualité pour comprendre les ressorts du mouvement d’émancipation qui conduit à la guerre d’indépendance algérienne. Ce livre est né de l’expérience accumulée au cœur du combat, au sein du FLN. Car Frantz Fanon, né antillais et mort algérien (1925-1961), a choisi de vivre et de lutter parmi des colonisés comme lui, en Algérie, pays du colonialisme par excellence. Texte militant, cet ouvrage est aussi la première analyse systématique de la transformation qui s’opère alors au sein du peuple algérien engagé dans la révolution. Ce texte, parmi les tout premiers publiés aux Éditions François Maspero, décrit de l’intérieur les profondes mutations d’une société algérienne en lutte pour sa liberté. Ces transformations, la maturation politique et sociale, ignorées par les colons alors qu’elles sont justement les fruits de la colonisation et de l’humiliation, président pourtant largement au processus qui mène à la guerre d’Algérie, « la plus hallucinante qu’un peuple ait menée pour briser l’oppression coloniale ».

L’an V de la révolution algérienne, Frantz Fanon, juillet 1959.

La guerre d’Algérie entre bientôt dans sa sixième année. Personne parmi nous comme dans le monde ne soupçonnait, en novembre 1954, qu’il faudrait se battre pendant soixante mois avant d’obtenir que le colonialisme français desserre son étreinte et donne voix au peuple algérien. Après cinq ans de lutte, aucune modification politique n’est intervenue. Les responsables français continuent de proclamer l’Algérie française. Cette guerre a mobilisé le peuple dans sa totalité, l’a sommé d’investir en bloc ses réserves et ses ressources les plus cachées. Le peuple algérien ne s’est pas donné de répit, car le colonialisme auquel il est confronté ne lui en a laissé aucun. La guerre d’Algérie, la plus hallucinante qu’un peuple ait menée pour briser l’oppression coloniale. Ses adversaires aiment affirmer que la Révolution algérienne est composée de sanguinaires. Les démocrates dont elle avait la sympathie lui répètent quant à eux, qu’elle a commis des erreurs. Il est arrivé en effet que des citoyens algériens aient enfreint les directives des organismes dirigeants, et que des choses qu’il eût fallu éviter se soient déroulées sur le sol national. Presque toujours d’ailleurs, elles concernaient d’autres citoyens algériens [6]. Mais alors qu’a fait la Révolution ? A t-elle fui ses responsabilités ? N’a t-elle pas sanctionné ces gestes qui risquaient d’altérer la vérité de notre combat ? M. Ferhat Abbas, président du Conseil du G.P.R.A., n’a t-il pas évoqué en public les mesures, parfois capitales, prises par la direction de la Révolution ? Et pourtant qui ne comprend psychologiquement ces subites violences contre les traîtres ou les criminels de guerre ? Les hommes qui ont fait la campagne au sein de la Première Armée Française ont gardé des mois entiers le dégoût pour ces justiciers de la dernière heure qui déchargeaient leurs armes sur les collaborateurs. Ceux qui avaient fait l’ile d’Elbe, la Campagne d’Italie et le débarquement à Toulon étaient révoltés par ces règlements de comptes fratricides, illégaux et souvent honteusement menés. Nous n’avons cependant pas en mémoire de condamnation de maquisards pour exécutions sommaires précédées de tortures de civils désarmés. Le Front de Libération Nationale n’a pas craint, dans les moments où le peuple subissait les assauts les plus massifs du colonialisme, de proscrire certaines formes d’action et de rappeler constamment aux unités engagées les lois internationales de la guerre. Dans une guerre de Libération, le peuple colonisé doit gagner, mais il doit le faire proprement sans « barbarie ». Le peuple européen qui torture est un peuple déchu, traître à son histoire. Le peuple sous-développé qui torture assure sa nature, fait son travail de peuple sous-développé. Le peuple sous-développé est obligé, s’il ne veut pas être moralement condamné par les « Nations Occidentales », de pratiquer le fair-play, tandis que son adversaire s’aventure, la conscience en paix, dans la découverte illimitée de nouveaux moyens de terreur. Le peuple sous-développé doit à la fois prouver, par la puissance de son combat, son aptitude à se constituer en Nation, et par la pureté de chacun de ses gestes, qu’il est, jusque dans les moindres détails, le peuple [7] le plus transparent, le plus maître de soi. Mais tout cela est bien difficile. Alors que dans la région de Mascara, il y a exactement six mois, plus de trente combattants encerclés et ayant épuisé leurs munitions, après s’être battus à coups de pierres, étaient faits prisonniers et exécutés devant le village, un médecin algérien, dans un autre secteur, détachait une mission aux frontières pour ramener sans délai des médicaments seuls capables d’enrayer la maladie d’un prisonnier français. Au cours du trajet, deux combattants algériens étaient tués. D’autres fois, des soldats sont affectés à une mission de diversion pour permettre à un groupe de prisonniers d’arriver indemnes au P.C. de la région. Les ministres français Lacoste et Soustelle ont publié des photos dans le souci de salir notre cause. Certaines de ces photos montrent des choses faites par des membres de notre Révolution. D’autres concernent quelques-uns des milliers de crimes dont se sont rendus coupables Bellounis et les harkis armés par l’Armée Française. Enfin et surtout, il y a ces dizaines de milliers d’Algériens et d’Algériennes victimes des troupes françaises. Non, ce n’est pas vrai que la Révolution soit allée aussi loin que le colonialisme. Mais nous ne légitimons pas pour autant les réactions immédiates de nos compatriotes. Nous les comprenons, mais nous ne pouvons ni les excuser ni les rejeter. Parce que nous voulons d’une Algérie démocratique et rénovée, parce que nous croyons qu’on ne peut pas s’élever, se libérer dans un secteur et s’enfoncer dans un autre, nous condamnons, le cœur plein de détresse, ces frères qui se sont jetés dans l’action révolutionnaire avec la brutalité presque physiologique que fait naître et qu’entretient une oppression séculaire. Les gens qui nous condamnent ou qui nous reprochent ces franges obscures de la Révolution ignorent le drame atroce du responsable qui doit prendre une [8] sanction contre un patriote coupable par exemple d’avoir tué un traître notoire sans en avoir reçu l’ordre ou, chose plus grave, une femme, un enfant. Cet homme qui doit être jugé, sans code, sans loi, par la seule conscience que chacun a de ce qui doit se faire et de ce qui doit être interdit, n’est pas un homme nouveau dans le groupe de combat. Il a donné depuis plusieurs mois des preuves irrécusables d’abnégation, de patriotisme, de courage. Pourtant il faut le juger. Le responsable, le représentant local de l’organisme dirigeant doit appliquer les directives. Il lui faut quelquefois être l’accusateur, les autres membres de l’unité n’ayant pas accepté la charge d’accuser ce frère devant le tribunal révolutionnaire. Il n’est pas facile de conduire avec le minimum de failles, la lutte d’un peuple durement secoué par 130 ans de domination contre un ennemi aussi décidé et aussi féroce que le colonialisme français. Mme Christiana Lilliestierna, journaliste suédoise, s’est entretenue, dans un camp, avec quelques-uns des milliers d’Algériens réfugiés. Voici un extrait de reportage : « Le suivant de la chaîne est un garçon de sept ans marqué de profondes blessures faites par un fil d’acier avec lequel il fut attaché pendant que des soldats français maltraitaient et tuaient ses parents et ses sœurs. Un lieutenant avait tenu de force ses yeux ouverts, afin qu’il vît et qu’il se souvînt de cela longtemps…« « Cet enfant fut porté par son grand-père pendant cinq jours et cinq nuits avant d’atteindre le camp.« L’enfant dit : « Je ne désire qu’une chose : pouvoir découper un soldat français en petits morceaux, tout petits morceaux. » Eh bien cet enfant de sept ans, croit-on donc qu’il soit facile de lui faire oublier à la fois le meurtre de ses parents et sa vengeance énorme ? Cette enfance orpheline qui grandit dans une atmosphère de fin du monde, [9] est-ce là tout le message que laissera la démocratie française ?Personne ne supposait que la France allait pendant cinq ans défendre pied à pied ce colonialisme éhonté qui, sur le continent, fait pendant à son homologue d’Afrique du Sud. On ne soupçonnait pas davantage que le peuple algérien s’installerait dans l’Histoire avec autant d’intensité. Aussi faut-il s’éviter les illusions. Les générations qui arrivent ne sont pas plus souples ni plus fatiguées que celles qui ont déclenché la fuite. Il y a, au contraire, raidissement, volonté d’être à la mesure des « dimensions historiques », souci de ne pas faire bon marché de centaines de milliers de victimes. Et il y a aussi appréciation exacte des dimensions du conflit, des amitiés et des solidarités, des intérêts et des contradictions de l’univers colonialiste. « Avoir un fusil, être membre de l’Armée de Libération Nationale est la seule chance qui reste à l’Algérien de donner à sa mort un sens. La vie sous la domination, depuis longtemps est vide de signification… » De telles déclarations, quand elles sont faites par des membres du Gouvernement algérien, n’expriment pas une erreur de jugement ou un « jusqu’au-boutisme ». C’est la constatation banale de la vérité. Il y a en Algérie, en ce qui concerne le peuple algérien, une situation irréversible. Le colonialisme français lui-même s’en est rendu compte et il tente anarchiquement de suivre le mouvement historique. À l’Assemblée Nationale française siègent quatre-vingt députés algériens. Mais aujourd’hui cela ne sert à rien. Le collège unique a été accepté par les ultras de la domination, mais en 1959, cela paraît dérisoire eu égard aux dimensions extraordinaires prises par la conscience nationale algérienne. Interrogez n’importe quelle femme ou n’importe quel homme sur toute la surface de la terre et demandez-lui si le peuple algérien n’a pas déjà acquis le droit d’être vingt fois indépendant. Personne, en 1959, en dehors de ces Français [10] qui ont entraîné leur pays dans cette horrible aventure, qui ne souhaite la fin de cette tuerie et la naissance de la Nation algérienne. Mais enfin, aucune issue n’est en vue et nous savons que l’Armée française prépare dans les mois qui viennent une série d’offensives. La guerre continue.Les hommes ont alors le droit de s’interroger sur les raisons de cet entêtement. On a le devoir de comprendre cet enfoncement dans la guerre qui rappelle par tant de côtés la complaisance dans le morbide. Nous voulons montrer dans cette première étude que sur la terre algérienne est née une nouvelle société. Les hommes et les femmes d’Algérie, aujourd’hui, ne ressemblent ni à ceux de 1930, ni à ceux de 1954, ni déjà à ceux de 1957. La vieille Algérie est morte. Tout ce sang innocent qui jaillit à pleines artères sur le sol national a fait lever une nouvelle humanité et personne ne doit ignorer ce fait. Après avoir affirmé qu’elle ne « livrerait pas aux Arabes un million de ses fils », la France proclame aujourd’hui qu’elle n’abandonnera jamais le Sahara et ses ressources. De tels arguments n’ont évidemment aucune valeur pour l’Algérien. Il répond en effet que la richesse d’un pays ne peut constituer une excuse à son oppression.Nous montrerons que la forme et le contenu de l’existence nationale existent déjà en Algérie et qu’aucun retour en arrière ne saurait être envisagé. Alors que dans beaucoup de pays coloniaux c’est l’indépendance acquise par un parti qui informe progressivement la conscience nationale diffuse du peuple, en Algérie c’est la conscience nationale, les misères et les terreurs collectives qui rendent inéluctable la prise en main de son destin par le peuple. L’Algérie est virtuellement indépendante. Les Algériens se considèrent déjà souverains. Il reste à la France à la reconnaître. C’est évidemment le plus important. Mais cette situation aussi est importante. Elle gagne à être connue, car elle limite [11] fondamentalement les espoirs militaires ou politiques du colonialisme français. Pourquoi le gouvernement français ne met-il pas fin à la guerre d’Algérie ? Pourquoi refuse-t-il de négocier avec les membres du gouvernement algérien ? Telles sont les questions qu’un homme honnête, en 1959, est amené à se poser. Ce n’est pas assez de dire que le colonialisme est encore puissant en France. Ce n’est pas suffisant de dire que le Sahara a modifié les données du problème. Tout cela est vrai, mais il y a autre chose. Il nous semble qu’en Algérie le point capital où trébuchent les bonnes volontés et les gouvernements français est la minorité européenne. C’est pourquoi nous avons consacré tout un chapitre à cette question. L’Algérie est une colonie de peuplement. La dernière colonie de peuplement à avoir fait parler d’elle a été l’Afrique du Sud. On sait dans quel sens.Les Européens d’Algérie n’ont jamais tout à fait désespéré de rompre avec la France et d’imposer leur loi d’airain aux Algériens. C’est l’unique constante de la politique colonialiste en Algérie. Aujourd’hui, l’Armée française est gagnée à cette idée. Aussi ne faut-il pas prendre au sérieux les rumeurs de paix qui éclosent çà et là. La France fera la paix en Algérie en renforçant sa domination sur l’Algérie ou en brisant les féodalités européennes d’Algérie. Hors ces deux solutions, il faut que la paix lui soit imposée internationalement par les Nation Unies ou militairement par les forces algériennes. On voit donc que la paix n’est pas pour demain. Nous montrerons que la France ne peut pas recommencer sa domination en Algérie. Même si cette domination devait être allégée et dissimulée. Le gouvernement français est condamné à s’opposer à quelques centaines de criminels de guerre ou à couvrir de plus en plus le génocide qui sévit en Algérie. Les autorités françaises ne nous font pas sourire [12] quand elles déclarent que « la rébellion est forte de 25 000 hommes ». Que valent tous les chiffres en face de la sainte et colossale énergie qui maintient en ébullition tout un peuple ? Même s’il est prouvé que nos forces ne dépassent pas 5 000 hommes, mal armés, quelle valeur une telle connaissance peut-elle avoir puisque avec un million d’armes nous ferions encore des mécontents et des aigris. Des centaines de milliers d’autres Algériens et Algériennes ne pardonneraient pas aux responsables de ne pas les enrôler, de les laisser désarmés. Que serait le gouvernement algérien s’il n’avait le peuple derrière lui ?Les autorités françaises ont récemment reconnu officiellement l’existence d’un million d’Algériens déplacés, regroupés. On voulait couper l’Armée du peuple. On voulait, paraît-il, éviter le « pourrissement de l’Algérie ». Mais jusqu’où peut-on aller ?Un million d’otages embarbelés et voici que l’alarme est donnée par les Français eux-mêmes : « Les médicaments n’agissent plus sur ces regroupés, tant est profond leur délabrement physiologique. » Alors ? Le colonialisme se bat pour renforcer sa domination et l’exploitation humaine et économique. Il se bat aussi pour maintenir identiques l’image qu’il a de l’Algérien et l’image dépréciée que l’Algérien avait de lui-même. Eh bien, cela est depuis longtemps devenu impossible.La Nation algérienne n’est plus dans un ciel futur. Elle n’est plus le produit d’imaginations fumeuses et pétries de phantasmes. Elle est au centre même de l’homme nouveau algérien. Il y a une nouvelle nature de l’homme algérien, une nouvelle dimension à son existence.La thèse qui veut que se modifient les hommes dans le même moment où ils modifient le monde, n’aura jamais été aussi manifeste qu’en Algérie. Cette épreuve de force ne remodèle pas seulement la conscience que l’homme a de lui-même, l’idée qu’il se fait de ses anciens dominateurs ou du monde, enfin à sa portée [13].Cette lutte à des niveaux différents renouvelle les symboles, les mythes, les croyances, l’émotivité du peuple. Nous assistons en Algérie à une remise en marche de l’homme. Qui peut espérer arrêter ce mouvement essentiel ? Ne vaut-il pas mieux ouvrir les yeux et voir ce qu’il y a de grandiose, mais aussi de naturel dans cette démarche ?Est-il donc encore, le temps où l’homme doive se battre et mourir pour avoir le droit d’être le citoyen d’une nation ? N’est-elle pas grotesque et humiliante et obscène cette rubrique de « Français-Musulmans » ?Et cette misère, et cette indignité entretenue et arrosée chaque matin, n’y a t-il pas là vraiment prétextes pour les crimes les plus étudiés ? N’y a t-il donc pas sur cette terre suffisamment de volontés pour imposer raison à cette déraison ?L’éventualité d’une victoire sur la rébellion n’est plus à écarter, proclame le général Challe. Il ne faut pas ironiser. Tous les généraux en chef de toutes les guerres coloniales répètent les mêmes choses, mais comment ne comprennent-ils pas qu’aucune rébellion n’est jamais vaincue. Qu’est-ce que cela peut bien vouloir dire, vaincre une rébellion ?On a voulu vaincre l’U.P.C, mais n’a-t-on pas donné l’indépendance au Cameroun ? La seule différence est que le colonialisme, avant de s’en aller, a multiplié au sein du peuple camerounais les demi-trahisons, les prévarications, les rancœurs. Aussi l’avenir du Cameroun est-il pour plusieurs années, hypothéqué par une politique néfaste et apparemment subtile. Nous voulons montrer dans ces pages, que le colonialisme a définitivement perdu la partie en Algérie, tandis que de toute façon, les Algériens l’ont définitivement gagnée. Ce peuple, perdu pour l’histoire, qui retrouve un drapeau, un gouvernement, reconnu déjà par de nombreux Etats, ne peut plus reculer maintenant. Ce [14] peuple analphabète qui écrit les pages les plus belles et les plus émouvantes de la lutte pour la liberté ne peut pas reculer ni se taire. Le colonialisme français doit savoir ces choses. Il ne doit plus ignorer que le gouvernement algérien peut mobiliser n’importe quand, n’importe quel Algérien. Même les nouveaux élus, inscrits de force sur les listes électorales de l’administration, démissionneraient sur un ordre du F.L.N. Il n’est pas jusqu’aux députés du Treize Mai qui puissent résister longtemps à la nouvelle autorité nationale. Alors ? Une armée peut à tout moment reconquérir le terrain perdu, mais comment réinstaller dans la conscience d’un peuple le complexe d’infériorité, la peur et le désespoir ? Comment supposer, comme les y invitait ingénument le général de Gaulle, que les Algériens « rentrent dans leurs foyers » ?Quel sens peut avoir cette expression pour un Algérien d’aujourd’hui ?Le colonialisme ignore les données véritables du problème. Il s’imagine qu’on apprécie notre puissance au nombre de nos mitraillettes lourdes. C’était vrai dans les premiers mois de 1955. Aujourd’hui, cela ne l’est plus. D’abord parce que d’autres éléments pèsent sur l’histoire. Ensuite parce que les mitrailleuses et les canons ne sont plus les armes de l’occupant.Les deux tiers de la population du monde sont prêts à donner à la Révolution autant de mitrailleuses lourdes qu’il nous est nécessaire. Et si l’autre tiers ne le fait pas, ce n’est nullement par désaccord avec la cause du peuple algérien. Bien au contraire, cet autre tiers lui fait constamment savoir qu’il lui accorde son soutien moral. Et il s’arrange pour l’exprimer concrètement. La puissance de la Révolution algérienne réside d’ores et déjà dans la mutation radicale qui s’est produite chez l’Algérien. Le général de Gaulle, s’adressant aux ultras d’Algérie, [15] déclarait dernièrement que « l’Algérie de papa est morte ». Cela est bien vrai. Mais il faut aller plus loin. L’Algérie du grand frère est morte également. Il y a une nouvelle Algérie, une nation algérienne, un gouvernement algérien. Il faudra tôt ou tard se rendre à ces quelques évidences. On verra dans ces pages les bouleversements survenus dans la conscience de l’Algérien. On verra les fissures à partir desquelles s’est remodelée la société européenne d’Algérie. On assiste en vérité à l’agonie lente mais certaine de la mentalité du colon. D’où cette thèse que nous retrouverons souvent : la mort du colonialisme est à la fois mort du colonisé et mort du colonisateur. Les rapports nouveaux, ce n’est pas le remplacement d’une barbarie par une autre barbarie, d’un écrasement de l’homme par un autre écrasement de l’homme. Ce que nous, Algériens, voulons, c’est découvrir l’homme derrière le colonisateur ; cet homme, à la fois ordonnateur et victime d’un système qui l’avait étouffé et réduit au silence. Quant à nous, nous avons depuis de longs mois réhabilité l’homme colonisé algérien. Nous avons arraché l’homme algérien à l’oppression séculaire et implacable. Nous nous sommes mis debout et nous avançons maintenant. Qui peut nous réinstaller dans la servitude ?Nous voulons une Algérie ouverte à tous, propice à tous les génies. Cela nous le voulons et nous le ferons. Nous ne pensons pas qu’il existe quelque part une force capable de nous en empêcher.

Frantz FANON. Juillet 1959.

Article de Jean GOOVAERTS

Allocution de Ghezala Cherifi, Présidente de LABA asbl et Faouzia Hariche, Echevine de la Ville de Bruxelles

Les exposés des intervenants :
ALLOCUTION de Ghezala Cherifi – Présidente de LABA asblJe vous remercie pour votre présence et de l’intérêt qu’à suscité cette conférence autour de cette personnalité peu connu du grand public et c’est l’occasion auj. de le faire connaître. Pour tout vous dire, c’était déjà en 2012, à l’occasion des commémorations du 50è anniversaire de l’indépendance de l’Algérie que j’avais eu envie d’évoquer Fanon mais l’opportunité ne s’était pas présenté. Aujourd’hui, pour les 60 ans du déclenchement de la révolution algérienne, il était pour moi primordial d’en faire écho et plus encore avec l’actualité bouleversée et mouvementée de ces derniers jours. Notre actualité rappelle que les « damnés de la terre » sont encore là, ils sont dans les mouvements de grèves, dans les « Printemps Arabes », que je qualifie de Révoltes arabes, dans un monde d’inégalités où le fossé se creuse entre riches et pauvres, entre nantis et démunis, entre dominants et dominés, dans les combats contre le fascisme, l’intégrisme et extrémismes de tout bord, dans les combats contre la monté des nationalismes et le racisme, dans les combat pour la Liberté et le Vivre ensemble. L’œuvre de Fanon interpelle encore et toujours, cet éveilleur des consciences, cet empêcheur de dormir tranquille et révolutionnaire, cet Algérien d’adoption avait rejoint les maquis des moudjahidines et du FLN pour la libération de l’Algérie, c’était son combat face à l’oppresseur. Le Mal aimé de la littérature francophone, longtemps occulté en France et totalement sombré dans l’oubli, son œuvre sera redécouverte et abondamment commenté outre-Atlantique. La pensée et l’action émancipatrice de ce théoricien de la décolonisation et de l’égalité entre les peuples a été quasiment inexistant des débat ayant trait à la décolonisation. Sa critique sévère du colonialisme fut très mal perçu dans un pays qui a encore du mal à aborder son passé colonial. Psychiatre et essayiste français martiniquais, figure emblématique du tiers-mondisme, il est l’auteur en 1952 de « Peau noire, masque blanc », livre controversé qui dénonce le racisme et les discriminations en tant que noir dans la société française. Il s’engage dès le début de la guerre d’Algérie, en 1955 aux côtés des algériens, il y a 60 ans. En 1953, il est nommé médecin-chef d’une division à l’hôpital de Blida et c’est sur le terrain de la psychiatrie qu’il combattra les thèses aliénantes du colonialisme. Il découvre la dure réalité de la colonisation qu’il relatera de manière subversive dans ses différents ouvrages « L’an V de la révolution algérienne » et son œuvre majeure « Les Damnés de la terre », préfacé par Jean-Paul Sarte, qu’il écrira à Washington, alors qu’il se savait atteint d’une leucémie. Il est décédé à 36 ans, le 6 décembre 1961, quelques mois après la parution de son livre, il aurait eu 90 ans cette année. Découvrir et connaître les différentes approches interdisciplinaires autour du personnage et l’œuvre de FF, c’est la formule que nous vous proposons ce soir. Cette soirée s’organisera en deux temps, nous écouterons en 1ère partie les interventions de chacun des intervenants à travers un angle particulier de leur approche, ensuite, nous laisserons la place au débat. Je devais accueillir la personne que vous attendiez toutes et tous, Olivier FANON, le Fils de Frantz FANON qui était annoncé, malheureusement, par l’intermédiaire de son épouse qui m’a jointe cet après-midi par téléphone, m’a confirmer son absence et me demande de l’excuser, il est fortement atteint d’une méchante grippe, au lit à 40 de fièvre, j’ai proposé une vidéoconférence sur Skype et même cela, il ne sera pas en mesure de la faire, il ne sait ni parler, ni même ouvrir ses yeux. Il vous propose si vous le souhaitez une autre rencontre que l’on pourrait réorganiser. Il devait nous éclairer de la vie courte mais intense de son père, son épouse m’a envoyé son texte que je lirai pour lui, je vous en remercie. Mais que cela ne tienne, nous avons nos deux intervenants et notre comédienne qui sont parmi nous et qui méritent toute notre attention pour le travail qu’ils ont fourni pour nous ce soir. Nous écouterons Gregory CORMANNS, Philosophe et chercheur à l’ULG que je remercie chaleureusement d’avoir chamboulé son emploi du tps pour répondre à mon invitation, il devait se rendre à OXFORD pour une intervention également, Monsieur Cormann, je vous en remercie. Vous nous entretiendrez essentiellement sur les 3 grands livres de Fanon, PNMB, L’An V et Damnés de la terre, en présentant ce qui est pour vous essentiel dans ces livres : d’une part, la façon dont on transforme sa colère en processus d’émancipation plutôt que des violences tournées vers autrui mais d’abord et surtout contre soi et contre les siens (PNMB et Damnés) ; d’autre part, en rappelant comment dans L’An V de la révolution algérienne Fanon décrit des transformations existentielles et sociales très rapides dans le temps même du combat de libération. ​Ensuite nous écouterons l’intervention de Kalvin Soiresse Njall du Collectif Mémoire coloniale et lutte contre les discriminations que j’ai souhaité tout naturellement associer à cette rencontre-débat d’hommage et qui va nous éclairer de la dimension politique de FF. Après tout, ne sommes nous pas également Africain, du Nord, certes, mais l’Algérie est tout aussi attachée à ce vaste continent qu’elle a été l’organisatrice à deux reprises du Festival Panafricain à Alger, en 1969 et 40 ans plus tard, en 2009. Nous clôturerons cette première partie de soirée avec la lecture de deux extraits de texte de FF par la l’artiste Comédienne Bwanga PILI PILI, en collaboration avec Dimanche Ensemble :

  1. “Peau noire, masques blancs”, Chapitre 4 : du prétendu complexe de colonisé, page 71 (à partir du dernier paragraphe jusque page 73 … au-dessus de la mêlée (dernier paragraphe).
  2. “Les damnés de la terre” Chapitre I : De la violence : page 49 à la page 50 (jusqu’à la fin du deuxième paragraphe) Version avec les préfaces de Jean-Paul Sartre et Alice Cherki et la postface de Mohammed Harbi.

​Le second moment de la soirée fera place au débat et nous clôturerons la soirée par le verre de l’amitié ​offert par Faouzia Hariche, Echevine et qui nous permettra de poursuivre nos échanges. Je tiens également à excusé Madame Isabelle Simonis, Ministre de l’Egalité des chances de la Fédération Wallonie Bruxelles, qui pour des raisons d’agenda n’a pas pu se joindre parmi nous et l’Ambassade d’Algérie sans qui je n’aurais pas pu avoir les coordonnées d’Olivier Fanon même si le mektoub l’a empêché de venir. Je vous remercie. Présentation du texte d’Olivier FANONFrantz FANON de fort de France a Aïn kerma Mesdames messieurs chers amis, Salam alikoum, bonsoir, azul felawen, Nous sommes ici ce soir à Bruxelles réunis pour rendre hommage à mon père père Frantz Fanon disparu le 6 décembre 1961 à quelques mois de notre indépendance, j’étais sur sa tombe il y a quelques jours à Ain Kerma. Je tiens à remercier Mme Ghezala CHERIFI, Présidente de l’association LABA sans lesquels cette rencontre n’aurait pas eu lieu car a travers cette initiative, Fanon est restitué aux siens, à ce pays qu’il a adopte et qui en a fait un de ses fils. Car il est né a des milliers de kilomètres d’ici, en Martinique, qui est aujourd’hui encore une des dernières colonies de l’ex-empire français avec- la Guadeloupe – la Nouvelle Calédonie – Tahiti – la Réunion- la Guyane et peut être d’autres que nous ignorons!!! Frantz FANON entreprend, crescendo son rapide cheminement vers une prise de conscience implacable et totale de l’entreprise d’aliénation, de colonisation, de lobotomisation des esprits, voire de dépersonnalisation des peuples. A la faveur de son engagement pendant la 2e guerre mondiale, il se rend a l’évidence que son choix de défendre les intérêts du blanc est tronqué. D’ailleurs, dans une lettre adressée à ses parents en 1944, il avoue s’être trompé. Il est très important d’en rappeler ici les termes. « Si je ne retournais pas, si vous appreniez un jour ma mort face a l’ennemi, consolez-vous, mais ne dites jamais : il est mort pour la cause. Dites : dieu l’a rappelé à lui ; car cette fausse idéologie, bouclier des laïciens et des politiciens imbéciles ne doit plus nous illuminer. Je me suis trompé ! Rien ici, rien qui justifie cette subite décision de me faire le défenseur des intérêts du fermier quand lui-même s’en fout ». Plus tard, étudiant en médecine à Lyon, il affronte le regard du blanc. Peau noire, masques blancs décrit de manière chirurgicale le travail d’aliénation entrepris aux Antilles et plus précisément a la Martinique qui constitue pour FANON un laboratoire a ciel ouvert. Il rapporte dans Peau noire, masques blancs que, a l’issue d’une conférence à Lyon, qu’un étudiant lui a dit « au fond, tu es un blanc ». FANON est convaincu que le racisme et le colonialisme sont les cibles primordiales qu’il faut abattre. Ses études de Psychiatre accomplies, il décide de se rendre en Afrique mais sa première tentative au Sénégal échoue. Léopold Sedar Senghor n’a pas donne suite a sa demande… cela ne m’étonne pas. Tiens, déjà le discours de Dakar ! Il arrive à Algérie en 1953 où il ,décide d’exercer en tant que médecin psychiatre. L’hôpital psychiatrique de Blida qu’il découvre ressemble plus à une prison, plus particulièrement dans sa partie réservée aux malades algériens avec ses services fermés, ses malades enchaînés et ses camisoles de contention. Il entreprend de révolutionner cet univers en introduisant la sociale thérapie l’humanisation des rapports entre le personnel soignant et les patients. Abderrahmane Aziz, célèbre interprète de la chanson « fatma zohra », a l’époque infirmier, l’assiste dans son travail. Son engagement militant dépasse rapidement les frontières de l’hôpital. Il soigne les moudjahids blessés en les faisant admettre dans son service, et le soir, il se rend clandestinement dans les maquis de la wilaya 4 pour leur porter assistance. En 1956, il démissionne de son poste de médecin, il est expulse d’Algérie et rejoint le FLN. Psychiatre, militant de la cause algérienne, FANON, au travers de sa praxis et son engagement dérange et interpelle encore et toujours. Il est important de rappeler comment ce fils de la petite bourgeoisie martiniquaise, destine à une vie confortable de médecin s’est-il confondu avec la révolution algérienne ? Aujourd’hui, pour moi, le simple fait de se poser cette question revient à avouer n’avoir rien compris a FANON car FANON fait partie de ces hommes qui ne souffrent d’aucun compromis, qui n’acceptent aucune concession, tractation ou arrangement, aucune soumission. La rupture totale. Patria o Muerte, la patrie ou la mort. Dans un combat l’enjeu est connu d’avance la victoire ou la mort. L’indépendance de l’Algérie était son combat. Je me permets d’user de ce ton provocateur volontairement car je n’arrive toujours pas à m’ôter de l’esprit que mon père, 50 ans après sa mort soit honoré en Martinique sous l’égide du conseil général ou encore, en France emballé dans le fourre-tout de l’année des Outre- mer. Et enfin, pourquoi ne pas l’exposer au musée des colonies comme une prise de guerre ou au panthéon comme d’autres ont failli y finir. Ici et là, des tentatives de récupération sont entreprises par certains esprits nostalgiques, peut-être dans l’espoir d’accomplir une quelconque catharsis personnelle. Ils tentent d’enfermer FANON dans un je ne sais quel carcan réducteur et contemplatif. FANON est en perpétuel mouvement FANON interroge FANON stimule. FANON s’inscrit dans l’action. Je sais que mes propos risquent d’interpeller ou d’être mal reçus, plus certainement dans les toujours colonies françaises. Eh oui ! Il y en a encore il est décidément formidable ce pays. La France berceau des droits de l’homme, il nous surprendra encore et toujours. Mes amis, restons vigilants. Pour nous algériens tout avait commencé en 1830. Mais quelle n’a été la surprise du 1er novembre 1954 ! FANON le visionnaire, FANON, celui qui jusqu’aux derniers instants de sa courte vie nous a interpellés que dis-je, nous interpelle encore. Et notre présence ici l’atteste. Je ne suis pas un « spécialiste » de FANON, par contre je suis un FANON, un FANON algérien et c’est a ce titre et seulement a ce titre que je me trouve parmi vous aujourd’hui. Mon humilité et mon respect pour cette assistance m’imposent de m’adresser à vous avec des mots simples, directs et abrupts, sincèrement et sans circonvolutions sémantiques. Pourquoi Fort de France et pourquoi Ain Kerma, petit fils d’esclave, né colonisé, mort en homme libre. Qui oserait encore aujourd’hui douter du combat de Fanon. Je pose la question aux martiniquais, guadeloupéens, réunionnais, kanaks, ou plus proches de nous, a nos amis sahraouis et palestiniens. Demandez-leur si FANON est toujours d’actualité. J’entends d’ici leur réponse. Comme nous le savons tous, mon père qui est né en Martinique repose aujourd’hui a Ain Kerma wilaya d’El-tarf en Algérie. Ce pays qu’il a adopte et pour lequel il est devenu le moudjahid puis le chahid. Mon père dont la vie a été courte, il est décédé à 36 ans, mais ô combien remplie, a vécu en compagnie de ma mère Josie, elle qui a été de tous ses combats, à Tunis, au Caire à Accra dans les camps au Kef et à Ghardimaou à la frontière tunisienne. Elle est décédée à Alger en juillet 1990. Elle repose au cimetière d’El-Kettar. Quel pays plus emblématique que le notre, quelle lutte de libération aussi farouche et totale contre un ennemi qui a use de tous les moyens pour nous asservir, aliénation, négation, tortures, napalm… Quel autre pays ou quel autre peuple que le notre aurait pu représenter pour Fanon un catalyseur aussi révélateur de son engagement, de sa prise de conscience. 60 ans dans la vie d’une nation, un clin d’œil, ces 60 ans sont pour nous algériens sont une nouvelle existence une période probatoire. Nous avons certainement commis des erreurs mais nous avons un mérite, ce sont les nôtres, nous les assumons. J’ose commettre ici une petite digression pour les plus jeunes d’entre nous qui n’ont pas connu la colonisation telle que vécue par nos parents, par leurs parents. En 1959, hier, Michel Debré un autre grand humaniste bien connu, chef du gouvernement français disait a l’occasion d’un séjour à Alger : « il faut que tous les algériens sachent et comprennent définitivement que chaque habitant de ce pays est citoyen français au même titre que n’importe quel citoyen de la métropole et qu’en aucun cas le gouvernement n’accepterait que cette citoyenneté soit remise en question » Cela avait le mérite d’être clair. Si j’insiste volontairement sur la question de la colonisation et de la nationalité c’est que moi-même, j’ai été confronte dans une moindre mesure a la violence destructrice de l’état français. En 1975 avec ma mère Josie, nous sommes allés en Martinique pour la première fois. J’avais 20 ans. Nous allions découvrir des notre arrivée sur cette ile qui a vu naitre mon père tous les ingrédients qui, mis bout a bout ont fait de lui cet homme révolte. Moi, a l’époque étudiant algérien a paris, j’étais soumis a l’obligation de visa pour me rendre dans les départements d’outre mer. Un algérien aux Antilles il faut se méfier du risque de contagion révolutionnaire… quelques jours après mon retour en France, un matin, a l’aube deux gendarmes de la police militaire m’ont menotte et conduit dans une prison, pour insoumission au service militaire français. J’ai exhibe ma carte de sursis militaire algérien, ma carte d’identité algérienne, ma carte de séjour, en vain. Selon le code de la nationalité française, j’étais un binational. Pour moi, une véritable agression. J’ai un mois de prison. Ce n’est qu’après une intervention énergique des plus hautes autorités algériennes exigeant ma libération que l’armée française accepta de me libérer mais, à une condition, je devais renoncer à la nationalité française. Pour moi Olivier FANON, qui ait connu dès ma naissance la colonisation, la clandestinité avec mes parents, les camps de Ghardimaou et du Kef, la question ne se posait même pas. J’ai aussitôt entrepris cette démarche et, j’ai vécu cette « libération des liens d’allégeance envers la France » car il s’agit du terme légal consacré, les liens d’allégeance, quelle belle image, comme une seconde victoire. Aujourd’hui, mon butin de guerre c’est de faire partie de ce pays libre, car est-il nécessaire de le rappeler, ma mère et moi des juillet 1962, il y a aujourd’hui plus de 50 ans, j’avais 7 ans, nous sommes rentres a Alger et nous avons eu la chance de fouler cette terre libérée que mon père ne connaîtra jamais. Ma mère, journaliste a travaillé à la radio algérienne puis successivement au quotidien el moudjahid à l’hebdomadaire Révolution africaine ou, durant la guerre du Vietnam elle a été chargée de la rubrique Asie. Toute sa vie elle a été simple et modeste. Elle a préféré se perdre dans la foule, citoyenne algérienne, vivre dans son appartement d’El Biar au 5e étage sans ascenseur enfin avec un ascenseur mais en panne…aujourd’hui il est enfin réparé. Il lui arrivait souvent de veiller tard le soir en attendant le gargouillis de l’eau dans les conduits comme beaucoup d’entre nous dans cette salle, j’en suis certain. Peu de temps avant sa mort, elle m’avait fait part de son souhait d’être inhumée a Alger et plus précisément au cimetière d’El Kettar, elle a fortement insisté, El Kettar mon fils et en face de la mer. Elle avait également souhaite que son mon père soit transféré de Ain kerma afin qu’ils puissent reposer ensemble pour l’éternité. je luis avais promis de faire les démarches nécessaires auprès de la commune d’Ain kerma. Le Président de l’APC auquel je me suis adresse dans ce sens m’a informe en retour que les citoyens, consultés, s’étaient a l’unanimité opposés au transfert du cercueil de Fanon. Pour eux, il appartenait définitivement à cette terre et il reposait selon ses dernières volontés auprès de ses frères de combat dans un carré des martyrs. J’ai fait mienne cette décision en étant intimement convaincu que ma mère l’aurait également acceptée et respectée. Voila pourquoi Ain kerma, pourquoi l’Algérie, pourquoi Fanon. Je vous remercie pour votre aimable attention et je vous prie de m’excuser pour ces précisions personnelles mais elles font partie de mon histoire, de ma relation intime avec mon père, ma mère, mon pays l’Algérie. Olivier FANON,
Exposé de Kalvin SOIRESSE NJAL du CMCLDHommage à Frantz FANON, défenseur de de la liberté et de la dignité des damnés de la terre : une pensée plus actuelle que jamais !Héritage de Fanon : sa pensée de combat fait-elle toujours écho ? Madame la Ministre, Madame l’échevine, Mesdames, Messieurs, je voudrais tout d’abord adresser mes remerciements à l’association « Les Amitiés Belgo-Algériennes » et plus spécialement à Ghezala Cherifi qui fait un travail de conscientisation important, et qui a souhaité associer le CMCLD à cet hommage à un digne fils d’Afrique, un digne fils de l’Humanité, un des plus importants que la terre-mère ait jamais portés. Je remercie Madame l’échevine pour avoir accepté de porter au-devant de la scène une pensée extraordinaire qui, malheureusement, fut longtemps persécutée en Europe. Votre implication n’en a que plus de valeur à nos yeux. Au CMCLD, nous considérons que Frantz Fanon a laissé au monde, à la jeunesse, pas seulement africaine, pas seulement noire, mais à la jeunesse du monde entier, debout, résistante, un héritage inestimable. Un héritage d’une richesse inouïe basée sur une pensée profondément ancrée dans l’action. Une pensée dont les secousses, longtemps mis sous éteignoir, provoquent aujourd’hui des tremblements à travers les luttes sociales mondiales ainsi que dans les luttes pour la libération du continent africain. Un continent profondément meurtri par les blessures néocoloniales qui lui sont constamment infligées. Le néocolonialisme, survivance et nouveau visage de ce système inique, déshumanisant et sans pitié qu’était le colonialisme. Système contre lequel Fanon se battit durant sa courte vie au point d’y laisser sa santé. L’écho de la pensée de Fanon nous revient à travers sa lutte pour un humanisme universel. Il avait une théorie économique du colonialisme, celle de la domination, du piétinement et de l’animalisation de l’Autre pour pouvoir mieux l’exploiter, qu’il soit Noir, Blanc, Rouge ou Jaune d’ailleurs. Aujourd’hui, l’Europe des pauvres, celle qui se réveille aux aurores, celle qui vote Syriza en Grèce, celle qui a marché par milliers dans les rues de Bruxelles le 6 novembre de la défunte année découvre par les politiques d’austérité l’exploitation de l’Homme par l’Homme que Fanon a combattu, pas seulement par la pensée, mais aussi en prenant les armes en Algérie et dans tout le reste de l’Afrique. L’Europe découvre aujourd’hui l’austérité capitaliste sous son vrai jour : celle qui au nom de l’ultralibéralisme veut créer des crèches normales pour les bébés de ceux qui travaillent, et des crèches mal famés pour ceux qui ont le malheur de ne pas avoir un salaire à la fin du mois. Cette austérité déshumanisante, ségrégationniste, c’est la même à peu de choses près que Fanon dénonçait et combattait dans les anciennes colonies. L’actualité nous montre donc l’universalisme du message humaniste de Fanon. Son message est universel lorsqu’il affirme par exemple dans l’introduction à son ouvrage Peau noire, masques blancs : « Je veux vraiment amener mon frère Noir ou Blanc, à secouer le plus énergiquement possible la lamentable livrée édifiée par des siècles d’incompréhension ». Ou encore lorsqu’il fait sienne une des plus célèbres phrases d’Aimé Césaire : « Il n’y a pas dans le monde un pauvre type lynché, torturé en qui je ne sois assassiné, humilié ». Nous aurions pu régler à notre époque des problèmes éminemment importants ; des problèmes qui nous taraudent et qui rongent notre société, je veux parler des stéréotypes et préjugés négatifs, de la négrophobie, de l’antisémitisme, de l’islamophobie, de la xénophobie et de toutes les formes de racismes. Nous aurions pu les régler si nos gouvernants n’avaient pas tout mis en œuvre pour diaboliser cette pensée salvatrice. Une pensée victime d’ostracisme et d’injustice. En Europe, pendant longtemps, les ouvrages de Fanon furent partout censurés, empêchant leur vulgarisation et leur compréhension par les peuples. Des moyens extrêmement importants furent mis en œuvre pour discréditer cette pensée universelle qualifiée de violente. Vous comprendrez donc mon étonnement et ma stupeur lorsqu’il y a quelques semaines, devant ma télé, je vis et entendis le ministre de l’intérieur français, Bernard Cazeneuve, faire référence à l’universalisme de Fanon qui transpire dans sa légendaire phrase qu’il tenait d’un de ses anciens professeurs de philosophie : « Quand vous entendez dire du mal des Juifs, dressez l’oreille, on parle de vous ». Fanon savait de quoi il parlait. Engagé très jeune dans le bataillon 5 des forces gaullistes durant la deuxième guerre mondiale, celle qui regroupait les volontaires des Caraïbes, il combattit âprement les Nazis au point d’être décoré de la croix de guerre. Mon étonnement face au discours de M. Cazeneuve venait du fait que le censeur d’autrefois réhabilitait sa victime dans la prestigieuse enceinte du Sénat. Ma stupeur quant à elle venait du fait que le ministre se détourna du contexte de la phrase. Contexte dans lequel Fanon rappelait le sens de la phrase de son professeur à savoir qu’un antisémite est forcément négrophobe. En Afrique, cet ostracisme fut mis en œuvre dans les ex colonies par des pouvoirs vassalisés et soumis au diktat des anciennes puissances coloniales. Et pour contrer cette pensée, on éleva au rang de mythe la pensée senghorienne faite de complexe d’infériorité, d’idéalisation des cultures occidentales au détriment des cultures africaines, en somme d’aliénation. Fanon ne s’étrangla-t-il pas lorsque le poète-président, Léopold Sédar Senghor, accorda à la civilisation occidentale le brevet de l’abstraction et à la civilisation noire-africaine le brevet de la sauvagerie à travers sa citation : « l’émotion est nègre, la raison est hellène » ? « Avais-je bien lu ? Je relus à coups redoublés. De l’autre côté du monde blanc, une féérique culture nègre me saluait. Sculpture nègre ! Je commençai à rougir. Était-ce là le salut ? » Telle fut la réaction de Fanon face à l’assignation du Noir par Senghor au rythme et à l’émotion. C’est cette aliénation qui nous conduit encore aujourd’hui à être convaincus que les Noirs ont le rythme dans la peau. Ce problème d’aliénation, Fanon le diagnostiqua grâce à une étude clinique minutieuse et au décryptage psychanalytique du stéréotype racial intériorisé jusqu’à nos jours chez le Blanc et le Noir : l’aliénation était tout simplement le produit d’une névrose coloniale savamment provoquée. Sous la férule de dictateurs en service commandé, tels que Mobutu, Houphouët-Boigny, Omar Bongo, Sassou Nguesso, Eyadema, etc., des générations d’Africains, celle de nos parents et de nos grands-parents, furent soumis à cette entreprise d’aliénation et finirent pour beaucoup par se convaincre que le Blanc était ontologiquement supérieur au Noir, et qu’eux-mêmes étaient issus d’un continent qui ne représentait rien d’autre que le cloaque de la terre. Quelle ne fut pas ma surprise, débarquant de mon Togo natal, de constater que beaucoup de jeunes Noirs, Blancs, Maghrébins avec qui j’étudiai à l’Université Saint-Louis, se considéraient comme plus intelligents que moi du simple fait que je venais d’Afrique ! La névrose coloniale diagnostiquée par Fanon les avait atteint de plein fouet ! Les solutions de guérison prescrites par Fanon furent longtemps elles aussi tenues à l’écart. Nous aurions sans doute gagné 50 ans dans le combat contre le drame de la dépigmentation de la peau et contre la détestation de sa couleur et de ses cheveux si nous avions accepté ses solutions. Ne vous étonnez donc pas si vous voyez émerger de plus en plus des structures créées par des jeunes en vue de restaurer la dignité et la fierté de leurs origines, la beauté de leur couleur de peau d’un noir luisant, de leur cheveux crépus, la grandeur de l’Histoire de l’Afrique et de ses diasporas : ne paniquez pas, ils ne fabriquent pas du communautarisme, ils luttent contre la névrose et l’aliénation coloniales avec les armes prônées par Fanon. Enfin, la désaliénation selon Fanon passe aussi par l’émancipation politique, économique, et l’unité des territoires africains. Comme dans le cadre de la lutte contre le capitalisme colonial sauvage et contre l’aliénation coloniale, Fanon n’était pas un panafricain qui se limitait à la théorie. Il fut un des plus grands panafricanistes, le plus concret dans la lutte pour la libération des peuples colonisés d’Afrique. A la fin des 50 il essaya de discuter et de faire pression en faveur « d’une légion africaine », une force militaire entièrement africaine afin de résister à l’impérialisme occidental. En 1960, il envisagea d’établir un front au sud de l’Algérie, en amenant clandestinement depuis l’Afrique Occidentale à travers 2000 km une force expéditionnaire susceptible de libérer l’Algérie à partir de l’Afrique subsaharienne. Il y fut d’ailleurs nommé ambassadeur itinérant en 1959 par le Gouvernement Provisoire de la République d’Algérie et par un FLN qui croyait alors fermement dans l’unité africaine. Il est dommage qu’aujourd’hui politiquement, l’Afrique du nord que Fanon avait le rêve de voir s’unir avec l’Afrique noire se sente de moins en moins africaine. Dans l’analyse et la compréhension des meurtrissures atroces que subit l’Afrique depuis les indépendances, il faut dire que Frantz Fanon était un véritable visionnaire. Il fut l’un des premiers à percevoir avant même la fin du colonialisme les mécanismes par lesquels le néocolonialisme allait se mettre en place sur le continent. Il fut aussi l’un des premiers à déceler l’inconsistance de la majorité des élites et des intellectuels africains prêts à s’allier aux anciennes puissances colonisatrices pour faire le malheur de leurs peuples. À titre illustratif, voici ce qu’il disait de l’une de ces élites dans sa Lettre à la jeunesse africaine rédigée depuis le maquis algérien et publiée le 29 mai 1958 dans le journal du FLN El Moudjahid, je le cite : « L’avenir sera impitoyable pour ces hommes qui, jouissant du privilège exceptionnel de pouvoir dire à leurs oppresseurs des paroles de vérité, se sont cantonnés dans une attitude de quiétude, d’indifférence muette et quelques fois de froide complicité : Monsieur Houphouët-Boigny, député africain, et président du Rassemblement Démocratique Africain (RDA),a, il y a quelques jours accordé une interview à la presse. Après des considérations absurdes sur l’évolution souhaitée d’une Afrique ceinte du drapeau tricolore, il en arrive à la question algérienne et n’hésite pas à affirmer que l’Algérie doit demeurer dans le cadre français. Ce Monsieur, depuis plus de trois ans, s’est fait l’homme de paille du colonialisme français… M. Houphouët-Boigny s’est fait le commis-voyageur du colonialisme français et il n’a pas craint de se rendre aux Nations-Unies pour y défendre la thèse française ». Cette prise de position est d’autant plus éclairante quand on sait ce que cet homme de paille du colonialisme français est devenu : il a dirigé la Côte-d’Ivoire pendant 33 ans et en fait une succursale du néocolonialisme. L’intervention militaire de la France en Côte-d’Ivoire en 2011 est à ce sujet assez édifiant. Fanon était convaincu que l’insurrection populaire était le seul moyen pour un peuple de se débarrasser de ses tyrans. C’est pourquoi plus loin dans la même lettre, il lance un appel à la jeunesse africaine : « Jeunesse d’Afrique, de Madagascar, des Antilles, où que vous soyez, il faut que vous sachiez que le moment est arrivé pour nous tous d’unir nos efforts et d’assener le coup de grâce à l’impérialisme français… Jeunesse africaine ! Jeunesse malgache ! Jeunesse antillaise ! Nous devons, tous ensemble, creuser la tombe où s’enlisera définitivement le colonialisme ! » Nous considérons au CMCLD pour notre part qu’au vu de l’actualité récente, cette lettre n’a pas pris une seule ride ! Cette lettre, si Fanon vivait encore aujourd’hui physiquement, il l’aurait écrit la jeunesse tunisienne, à la jeunesse burkinabé, à la jeunesse congolaise et à toutes les autres qui se battent de toutes leurs forces à l’heure actuelle. Et en cela, nous affirmons que tous ces jeunes qui ont pris la route du Palais de Kossyam à Ouaga, du Palais de la Nation à Kinshasa et qui vont le faire incessamment sous peu dans d’autres pays sont de véritables héritiers de Fanon et de sa pensée. Je ne peux achever mon intervention sans vous parler de l’attachement de Fanon au Congo. Tout le monde connaît sa fameuse phrase : « l’Afrique a la forme d’un revolver dont la gâchette se trouve au Congo ». Mais peu de gens connaissent son attachement à Patrice Lumumba dont nous venons de commémorer la mort le 17 janvier dernier. Fanon était attaché à la lutte du Premier Ministre pour l’unité de l’Afrique, pour l’unité du Congo et contre la mise sous tutelle du pays qui démarrait déjà. Dans un article intitulé « La mort de Lumumba, pouvions-nous faire autrement ? », Fanon prévenait déjà les Africains sur ce qui se passe actuellement dans ce pays dont la population a été clochardisée par des années d’exploitation. Il prévenait contre cette mise sous tutelle qui s’est faite avec la complicité de certains hommes politiques congolais et avec l’ONU comme caution et outil d’instrumentalisation. L’ONU est arrivée dans ce pays en 1960 soi-disant pour rétablir la paix, elle y est encore aujourd’hui avec les mêmes objectifs 50 ans plus tard et la situation y est pire qu’en 1960. Cette même ONU par l’entremise de laquelle la Libye fut bombardée et détruite sous l’impulsion de Nicolas Sarkozy. Une Libye qui, après le passage des F16 de l’OTAN et de l’ONU est à la merci des groupes terroristes crapuleux qu’ils ont soutenus et qui sont maintenant prêts à commettre des attentats partout dans le monde, y compris en Europe. Voilà Mesdames, Messieurs, pourquoi nous pensons au CMCLD que la pensée de Fanon est plus que jamais vivante et qu’elle résonne au cœur de toutes les luttes populaires partout dans le monde. Je vous remercie.

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